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Un heureux dénouement

samedi 9 avril 2016

Comme dans un haletant thriller, le nom du vainqueur du tournoi des candidats a tardé à se dessiner. Plusieurs joueurs étaient encore en course pour la victoire finale à seulement deux rondes de la fin. L'heureux dénouement fût pour Sergey Karjakin qui a défait Fabiano Caruana son plus redoutable concurrent lors de l'ultime partie. Cet épilogue fût aussi  bienvenu pour le monde des échecs qui a frôlé la confusion d'une victoire partagée.

Un scénario plus obscur était en effet plausible lors cette dernière ronde. En cas de partie nulle entre les deux leaders et de victoire de Anand sur Svidler, trois joueurs auraient partagé la première place. Le but ultime de ce tournoi de qualification étant de désigner un challenger pour défier le champion du monde, un dilemme cornélien se serait alors posé.

Bien évidemment, la Fédération Internationale avait prévu de résoudre le problème par l'utilisation d'un système de départage. Si cette solution peut se concevoir lorsqu'il s'agit de répartir les prix, elle est inadaptée pour désigner un incontestable vainqueur.

Les systèmes de départage étaient dans l'ordre de prépondérance :
1) le résultat des rencontres directes entre les joueurs,
2) le nombre de victoires,
3) le système Sonneborn-Berger.

Il était évidemment possible d'envisager un choix bien pire : départage par l'âge ou par tirage au sort, certains farceurs auraient proposé la roulette russe, une méthode par élimination particulièrement appropriée à ce tournoi moscovite.

Vouloir départager les ex-aequo par n'importe quel moyen me remémore l'histoire des deux marcheurs soviétiques Andrey Perlov et Aleksandr Potashov qui franchirent la ligne d'arrivée enlacés. Ils furent départagés contre leur volonté au centième de seconde par la photo-finish. Potashov eut seul la médaille d'or au championnat du monde de Tokyo en 1991 mais l'histoire a retenu une émouvante victoire commune.

Mais revenons à notre noble jeu. Dans l'hypothèse d'un scénario à trois ex-aequo, Fabiano Caruana aurait été désigné vainqueur. Pourquoi pas. Le joueur américain est jeune et talentueux. Cette qualification au forceps n'aurait satisfait personne. Elle aurait été qualifiée par certains de chanceuse compte tenu de l'étroitesse de l'écart entre les compétiteurs. Sa légitimité aurait même pu être raillée en paraphrasant George Orwell : "Tous (...) sont égaux mais certains sont plus égaux que d'autres" (La ferme des animaux, 1945).

De mon point de vue, un départage sur l'échiquier aurait été nécessaire. Un match de parties rapides aurait dégagé un véritable vainqueur. Je ne suis pas favorable à l'accélération des cadences jusqu'à jouer des parties blitz qui s'éloignent trop de la cadence classique mais une cadence de 25 minutes par joueur avec 10 secondes d'incrément autorise des parties de qualité raisonnable au plus haut niveau.

Prévoir une journée de plus pour départager les joueurs ex-aequo en parties rapides complique évidemment l'organisation mais assure l'équité du résultat sportif. La Fédération Internationale devra certainement résoudre ce problème à l'avenir.

Le choix du système de départage a néanmoins eu une grande influence sur le déroulement de la dernière ronde car Karjakin était en position de force. N'ayant plus rien à espérer même en cas de victoire contre Svidler, Anand n'avait pas aucune raison de forcer sa chance avec les noirs; une partie nulle prévisible fût conclue. Même s'il est difficile de gagner une partie sur commande avec les noirs à ce niveau, Caruana se devait de maintenir suffisamment de tension pour conserver le maximum de chances de gain. La défense Sicilienne classique créant une forte dissymétrie était un choix risqué mais judicieux. C'est finalement une gaffe, parfaitement réfutée par son adversaire, qui a décidée de l'issue du tournoi. Les nerfs du Russe ont été plus solides que ceux de l'Américain.

Voici le dénouement tragique mais brillant d'un tournoi maîtrisé de bout en bout par Sergey Karjakin.



Le classement final s'établit ainsi :

1)  Sergey Karjakin  (8,5/14)
2)  Viswanathan Anand (7,5)
3)  Fabiano Caruana (7,5)
4)  Peter Svidler (7,0)
5)  Hikaru Nakamura (7,0)
6)  Levon Aronian (7,0)
7)  Anish Giri  (7,0)
8)  Veselin Topalov (4,5)

A l'issue de sa victoire, le nouveau challenger fût très entouré par la presse internationale (photographie du site officiel).

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