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Kasparov vaillant mais rouillé

dimanche 3 septembre 2017

Le retour d'une ancienne gloire à la compétition est un évènement non seulement pour les passionnés mais aussi pour le grand public. Ceci est vrai quel que soit le sport et les échecs ne font pas exception à la règle. Nombreux étaient les nostalgiques d'une époque que l'on croyait définitivement révolue à espérer un retour éblouissant du légendaire Garry Kasparov. L'immense champion avait mis un terme à sa carrière en 2005 à seulement 42 ans alors qu'il occupait encore la première place du classement mondial. Il ambitionnait alors de se lancer dans la politique russe pour devenir un des plus farouches opposants à Vladimir Poutine.

L'an passé, l'ancien champion du monde était sorti brièvement de sa retraite pour une apparition remarquée en affrontant trois des meilleurs mondiaux dans un tournoi de blitz. Son résultat, très honorable compte tenu du grand nombre de positions prometteuses gâchées, laissait poindre quelques espoirs d'un retour victorieux avec une meilleure préparation.

Cet année, le battage médiatique autour du retour de Kasparov fût d'une autre dimension puisque certains médias généralistes relayèrent l'information. Etait-ce un véritable retour dans l'arène, un nouvel essai pour se confronter aux meilleurs à une cadence moins rapide, un coup médiatique pour promouvoir les tournois du Grand Chess Tour sponsorisés par le mécène américain Rex Sinquefield ? Il est difficile de répondre aujourd'hui à la question.

A 54 ans, après douze ans d'inactivité, le pari de Kasparov était risqué mais l'homme est un amoureux des échecs qui ne s'est jamais vraiment éloigné du microcosme. Cette année, il affronta neuf des meilleurs joueurs mondiaux en cadence rapide puis en blitz.

Beaucoup auraient aimé voir renaître le phénix de ses cendres en surclassant ses jeunes adversaires comme à ses plus beaux jours mais le temps passe pour tous et il a bien fallu admettre que, même pour Kasparov, retrouver son meilleur niveau après une aussi longue absence au plus haut niveau est une tâche surhumaine.

Ma modeste expérience m'avait enseigné qu'un retour à la compétition est difficile. Après 14 ans d'interruption, j'avais repris le chemin des tournois en 2009. Le manque de pratique du jeu en condition stressante de tournoi engendre un manque de confiance qui conduit à trop calculer au lieu de jouer de façon plus intuitive. La fatigue s'installe, les erreurs surviennent conduisant à la perte de contrôle de positions avantageuses. Le manque de pragmatisme ne permet pas de choisir les coups qui vont le plus gêner l'adversaire. A cela s'ajoute une mauvaise gestion du temps du réflexion.

Kasparov me semble avoir été victime de ces syndromes. Son retard au temps dans la plupart des parties démontre un manque de confiance dans sa capacité à jouer rapidement des bons coups. Des avantages parfois écrasants ont été gâchés par manque de maîtrise dans la concrétisation.

Son score médiocre ne fût pas la résultante d'un faible niveau de jeu par rapport à ses adversaires. Au contraire, il a souvent été dominateur mais il n'a pu maintenir la pression jusqu'à la victoire laissant échapper de nombreux points.

Sa partie rapide contre le tchèque David Navara est certainement l'exemple le plus frappant de ses lacunes. Après avoir surclassé son adversaire en début de partie, il ne parvient pas à conclure proprement la partie et perd progressivement le contrôle avant de succomber à une petite pointe tactique.



Nous avons retrouvé le grand Kasparov lors de sa victoire en blitz contre le cubain Lenier Dominguez. Dans une ouverture qu'il affectionne depuis toujours, la défense Sicilienne Najdorf, il a dominé positionnellement son adversaire du début jusqu'à la fin. Un bel exemple du haut niveau de jeu qu'il est encore capable de produire.

Kasparov obtint son meilleur résultat le dernier jour du tournoi en terminant deuxième de la seconde journée de blitz. Corrigeant progressivement ses lacunes, il termina la journée avec 3 victoires, 5 nulles pour une seule défaite. Une journée supplémentaire lui aurait sans doute permis de progresser encore.

Au cours de l'interview qu'il donna à l'issue du tournoi, Kasparov exprima sa déception mais souligna sa joie de jouer et avoua qu'il avait mal supporté la tension nerveuse. Au cours d'une partie, certains joueurs semblent indifférents au résultat, au contraire de Kasparov qui s'implique émotionnellement comme le montrent ses multiples mimiques.

Malgré un résultat médiocre, il m'apparaît que Kasparov ne fût pas dépassé par la jeune génération sur le plan de la maîtrise du jeu mais plutôt sur le plan de sa pratique. A ce niveau de compétition, bien jouer ne suffit pas. Il faut faire preuve de pragmatisme pour tirer le maximum de chaque position car seul le résultat final compte.

Si, comme beaucoup l'espèrent, Kasparov décide de poursuivre l'aventure d'un retour à la compétition, il devra s'astreindre à un entraînement sérieux, à la fois échiquéen, physique et mental mais aussi participer à plusieurs tournois avant d'espérer devancer les meilleurs.

Souhaitons que ce retour (mais en était-ce vraiment un ?) en demi-teinte ne signe pas la retraite définitive de Kasparov. Le charisme et la notoriété d'un tel joueur (qui dépasse largement pour le grand public celle du champion du monde actuel Magnus Carlsen) apporterait beaucoup à la médiatisation de notre sport.

La photographie de Kasparov, visiblement peu satisfait de la position sur l'échiquier, a été saisie par Lennart Ootes pour le site officiel du Grand Chess Tour.

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