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Sensationnalisme

mercredi 20 mars 2019

Quelle ne fut pas ma surprise d'entendre parler des échecs au journal de 13 heures de France 2. Evidemment, il ne s'agissait ni d'encenser les exploits des meilleurs joueurs mondiaux, ni de couvrir un prestigieux tournoi international dans lequel les joueurs français seraient à l'honneur mais de relater l'histoire de Tanitoluwa Adewumi, un jeune joueur de 8 ans, présenté comme le nouveau prodige des échecs.

francetvinfo présente Tani de la façon suivante : "À seulement 8 ans, Tani Adewumi vient d'être sacré champion de l'État de New York (États-Unis) alors qu'il y a un peu plus d'un an, il ne connaissait même pas les échecs".

Une telle précocité m'a d'autant plus stupéfié que je n'avais jamais entendu parlé de ce prodige. Bien sûr, l'État de New York, ce n'est pas les Etats-Unis, mais quelques très forts joueurs devaient être présents, des Grands Maîtres sans doute. Tout le monde se souvient du génial Bobby Fischer gagnant en son temps le championnat des Etats-Unis à seulement 14 ans. Mais une telle performance à 8 ans, est-ce possible ?

Evidemment, le monde connecté d'aujourd'hui permet de recouper les informations. Je me suis donc renseigné sur la toile pour résumer brièvement l'histoire de cet enfant :

Tanitoluwa Adewumi (8 ans), son grand frère et ses parents sont des réfugiés (des migrants dit-on aujourd'hui). En 2017, ils fuient le nord du Nigeria par crainte des exactions contre les chrétiens du mouvement d'idéologie salafiste djihadiste Boko Haram. Ils rejoignent les États-Unis ou ils vivent dans un foyer pour sans-abris à Manhattan. C'est à l'école du quartier que Tani (un diminutif plus facile à prononcer) a découvert les échecs. Etonné par le potentiel du jeune garçon, l'établissement lui fait grâce des droits d'inscription au cours d'échecs. Après seulement un an de pratique, il enchaîne les victoires et remporte brillamment le championnat des écoliers de l'État de New York surclassant les élèves des élitistes écoles privés. Son classement de l'USCF est de 1587. Les lecteurs du New York Times, émus par l'histoire de cette famille et le mérite du jeune garçon, créent une cagnotte qui a déjà dépassée 163 000 euros sur le site Gofundme.

Tous les ingrédients de l'histoire sensationnelle sont réunis pour accrocher les médias et émouvoir les foules : l'enfant prodige, la misère, le terrorisme, l'exil, l'argent, le nécessiteux qui dame le pion aux nantis et le mythe du self-made man du rêve américain.

Entendons nous bien, il ne s'agit pas ici de dénigrer les qualités de ce garçon qui sont certainement remarquables compte tenu de son jeune âge mais de critiquer le traitement de l'information par certains grands médias français.

Confondre le championnat des écoliers de l'État de New York avec le championnat de l'État de New York ne fait qu'enjoliver une histoire familiale qui n'a aucunement besoin de ce coup de pouce pour interpeller le citoyen. Il est à noter que le très sérieux New York Times qui semble à l'origine de l'information a bien précisé que Tani n'avait gagné le titre que dans sa catégorie d'âge.

Il est dommage de n'entendre parler des échecs dans les grands médias que pour présenter un nouveau prodige qui tombera vite dans l'oubli médiatique alors qu'il sera réellement devenu un fort joueur.

Je souhaite que ce jeune garçon réalise son rêve de surpasser en précocité les meilleurs et d'atteindre l'Olympe des échecs. Mais il lui reste un long et difficile chemin à parcourir. Espérons que les médias généralistes s'intéresseront encore à son histoire s'il y parvient.

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