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La valeur d'une victoire

vendredi 26 juin 2020

En cette période troublée par la pandémie de coronavirus SARS-CoV-2, la plupart des manifestations sportives ont été annulées ou reportées. Les échecs n'ont pas fait exception. Le tournoi des candidats semblait avoir échappé au confinement mondial mais les organisateurs russes ont du capituler à mi-parcours à la suite de la fermeture des frontières et l'annulation des transports aériens. La nécessité de rester à demeure a vu l'émergence de tournois en ligne réunissant des centaines d'amateurs et de professionnels à l'instar du championnat de France de blitz. L'élite mondiale a bénéficié de l'organisation de tournois richement dotés permettant à l'aristocratie de notre sport d'assurer le spectacle sur la toile. Je viens d'écrire les mots "sport" et "spectacle" dans la même phrase. Cette dualité est au coeur de cet article.

Commençons par un peu de terminologie. Au basket, sport immensément populaire aux Etats-Unis, le "clutch player" est le joueur décisif, celui qui surmonte la pression du résultat et marque dans les dernières secondes du match (le "clutch time").

Focalisons nous maintenant sur le tournoi en ligne "Clutch Chess International" organisé par le Saint-Louis Chess Club, haut lieu des échecs outre-atlantique. Ce tournoi à élimination directe consiste en une succession de matchs de 12 parties rapides. La singularité du système qui justifie le qualificatif "clutch" est le poids supérieur donné au résultat de certaines parties. Ainsi, les parties 5 et 6 apportent 2 points au vainqueur, les parties 11 et 12 apportent 3 points. En cas d'égalité, les victoires à l'issue de ces parties particulières départagent les joueurs. Par ce système, les organisateurs ont tenté de recréer aux échecs le suspense du "clutch time" de la NBA, ces dernières secondes décisives, lorsqu'un panier improbable à 3 points permet d'inverser le score du match et soulever l'enthousiasme des foules.

Examinons maintenant, le déroulement du match de demi-finale entre le champion du monde Magnus Carlsen et Levon Aronian. Après 10 parties, le Norvégien surclasse son adversaire en gagnant 5 parties et en annulant 5. Un score écrasant à ce niveau de jeu. Le système adopté permet toutefois à l'Arménien d'éliminer son redoutable adversaire s'il gagne les deux dernières parties. Ces ultimes parties se sont achevées pacifiquement par le partage du point assurant la qualification logique de Carlsen pour la finale.

Mais, quelle aurait été la signification sportive d'une qualification d'Aronian sur le score de 2 victoires, 5 défaites et 5 nulles ?

L'analogie avec le basket est erronée. S'il est vrai qu'une équipe peut gagner le match en marquant moins de paniers que l'équipe adverse du fait de leurs  valeurs différenciées (1, 2 ou 3 points), la précision du joueur lors du lancer au delà de 6m75 mérite un bonus qui récompense l'audace et la prise de responsabilité vis-à-vis des partenaires. Or, rien ne différencie les dernières parties d'un match d'échecs des parties précédentes. Pour mériter un bonus, le joueur distancé au score aurait pu jouer un va-tout, c'est à dire accepter une véritable prise de risque. Les organisateurs auraient pu imposer un déficit matériel, un temps de réflexion réduit, un handicap physique (jouer à l'aveugle) ou un risque de perte financière. S'il s'agit de dénaturer le sport en spectacle, les solutions ne manquent pas mais un peu d'imagination s'impose pour assurer un semblant de vérité sportive.

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